lundi 18 juin 2007

Feu l'amour.

Intérieur jour. Un bureau encombré. Un homme déambule, une feuille à la main. Il lit à voix basse un discours politique. Parfois il se rassoit et corrige à la main une phrase puis reprend sa marche en cercle. Une femme tenant elle aussi une feuille à la main entre dans la pièce. Elle claque la porte du pied. Vlan :
Elle : Je tiens à remercier tout particulièrement les élec...
Lui : ...trices et les électeurs de Corrèze ...
Elle : ... de France et d’outre-mer...
Lui : ... d’ici et d’ailleurs...
Elle : ...là où tu devrais déjà être...
Lui : ... être ou ne pas être premier secrétaire, là est la question...
Elle : ... celle que tout le monde se pose ...
Lui : ... mais qui a la réponse ?...
Elle : ... les sympathisants qui m’ont portée à la candidature...
Lui : ... le bureau politique...
Elle : ... il n’y a plus de bureau, plus de congrès, plus de motion, mais qu’une seule force, qu’une seule voix...
Lui : ... oui, je sais, la tienne ...
Elle : ... et plus qu’une seule voie pour toi. La porte...
Lui : ... laquelle ?...
Elle : ... celle de service...
Lui : ... Ah, tu attends quelqu’un ?...
Elle : ... oui, la France...
Lui : ... dis donc, ça fait du monde...
Elle : ... épargne-moi tes plaisanteries...
Il repose la feuille qu’il lisait sur le bureau. De la fenêtre on aperçoit la rue avec une voiture garée en double file. Une jolie blonde s’impatiente.
Lui : ... au fait j’ai laissé les clés de la rue Solférino dans l’entrée...
Elle : ... et les enfants ...
Lui (déjà dans l’escalier) : ... c’est toi la reine de la famille. C’était dans ton programme je crois...
Elle s’approche du bureau où il avait reposé la feuille de son discours. Elle la prend, la retourne dans tous les sens. Il n’y a rien d’écrit dessus. Toutes les feuilles sont blanches. Tous les dossiers sur le bureau sont vides. Elle se penche par la fenêtre. L’homme embrasse la blonde, monte du côté passager et laisse tomber une rose par la portière.
Gros plan sur les pétales qui roulent dans le caniveau.
Fin.




Il y a 10 ans
Mercredi, 18 juin 1997
Pleurer au musée.
« Qu'est-ce qu'elle nous fait Madame Placard? » vous dites-vous après la lecture du titre. Un petit coup de spleen graphique ou une révélation bouleversante à marquer d’une tache blanche dans l’histoire de l’art, façon Bernadette Soubirous pour l’histoire de la spéléologie.
Je vous rassure tout de suite je ne me suis pas évanouie à Beaubourg devant un monochrome de Klein, ni au Louvre aux pieds de la Venus sans bras.
C’est le Musée Olympique de Lausanne qui m’a tiré les larmes des yeux.
La liste est longue des bonheurs lacrymaux qui peuplent ses étages. En voici quelques uns.
Effleurer de la main la torche olympique portée par Muhammed Ali à Atlanta.
Toucher des yeux les chaussures portées par Carl Lewis, le plus grand athlète du siècle.
Revivre les victoires d’Hassiba Boulmerka.
Revoir Colette Besson pleurer sur un podium à Mexico.
Et Jesse Owens gagnant quatre médailles à Berlin en 1936: historique pied de nez au nazisme.
J’en passe et des meilleurs.
Les esthètes des arts majeurs trouveront sans doute l’appellation Musée galvaudée quand il s’agit d’exposer des godasses ou des skis comme dans n’importe quel magasin de sport.
N’empêche, si l’expression parfaite d’un athlète dans son geste, dans sa course et dans ses victoires et défaites me bouleverse, je n’y peux rien.
Le sport n’est certainement pas un art, mais son Musée n’a pas volé son nom.

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