mardi 9 octobre 2007

Mon frère.

Il était une fois un homme très puissant, qui possédait des journaux et des usines d’armement. Il aimait le sport au point de dépenser sans compter pour le football et le sport automobile. Un jour il demanda à un jeune maire de prendre soin de son fils si plus tard il lui arrivait quelque chose.
Depuis l’homme très puissant est mort et le jeune maire est devenu président de la République. Le fils a grandi. Il est aujourd’hui un homme puissant qui possède un groupe de presse et des parts dans une entreprise de construction d’avion. Le fils est, comme son père un amoureux du sport. Le président et lui se considèrent comme des frères.
L’an passé le jeune homme d’affaire a vendu une partie de ses parts de l’avionneur. Et bizarrement cela serait intervenu alors que personne n’était censé savoir que les retards dans la production du nouvel avion allaient faire baisser le cours de l’action.
Le président souhaite que toute la lumière soit faite.
L’œil était dans la tombe et regardait Nicolas.




Il y a 10 ans
Jeudi, 9 octobre 1997.
Maquiladoras: en mexicain ça doit vouloir dire libéralisme.

Vous avez lu Zola, ou du moins quelques extraits potassés dans votre Lagarde et Michard? Je suis sans doute naïve et fleur bleue mais la lecture d’un article paru ce mois-ci dans le magazine DS m’a bouleversée. DS n’est pas un magazine spécialisé dans les belles Citroën des années 60, mais un magazine de société féminin, plutôt bien foutu.
J’invite donc tout le monde à en savoir plus sur ces Mexicaines qui triment dans des conditions atroces, pour un salaire de misère dans les maquiladoras, ces usines-filiales de multinationales comme Philips, Sanyo, Thomson, Essex, Fischer Price, General Motors, ITT, AT&T, Breed, Delco Electronics...
De l’autre côté du Rio Grande à Ciudad Juarez des centaines d’usines qui poussent comme des champignons vénéneux au mépris des règles élémentaires du droit du travail sont dirigées d’une poigne de fer par des maquignons des temps modernes. Des esclavagistes de la fin du XXème siècle comme en crée par milliers cette nouvelle religion économique: l’ultralibéralisme.
J’invite tout particulièrement madame Madelin à écouter le témoignage de Sylvia à qui ses employeurs demandaient ses tampons périodiques usagés afin de s’assurer qu’elle ne tomberait pas enceinte.
J’invite également madame Balladur à apprendre pourquoi Norma Lisa ouvrière chez Tabuchi Electric ne peut plus avoir d’enfant après maintes fausses couches causées par les émanations de produits toxiques et le plomb avec lesquels elle est en contact permanent sans protection.
Je n’oublie pas non plus d’inviter mesdames Chirac et Sarkozy à lire l’histoire de Catarina qui préfère ne pas manger à la cantine de peur de mourir d’intoxication comme cela est déjà arrivé; et l’histoire de Veronica que ses patrons obligèrent à défiler en bikini sous peine de perdre immédiatement son emploi.
Uniquement pour des raisons de coût du travail moins élevé grâce au peso mexicain sans cesse dévalué et pour bénéficier d’une main d’oeuvre docile, l’ultralibéralisme est en train de réinventer l’esclavagisme pourtant aboli depuis 1865 par les américains.
Mesdames, dites à vos maris qu’au bout du bout de cette nouvelle religion économique il n’y a pas la lumière mais la crasse des taudis comme savait si bien les décrire Zola à la fin du siècle dernier.
Et ne vous rassurez pas en vous disant qu’au moins là-bas il ne font pas travailler les enfants. Beaucoup d’entre eux meurent à la naissance. Demandez plutôt à Calixta dont le dernier né va bientôt mourir. Une tumeur grosse comme une orange bourgeonne le long de sa colonne vertébrale. Elle travaille à la soudure au plomb chez Essex et son mari est au contact de solvant chez Autotrim.
Dans son bidonville sa rue s’appelle « Calle Felicidad », ce qui en mexicain veut dire « Rue du bonheur ».
Les chantres de cette pensée économique unique devraient, sans attendre, apprendre le langage du respect des autres.
Il est difficile ici de ne pas faire du Zola, comme on dit. Mais est-il interdit de penser qu’un jour, « felicidad » pourrait être pour un P.D.G. non pas synonyme d’action qui grimpe à Wall Street mais synonyme du bonheur d’un petit mexicain de Ciudad Juarez en voyant une orange accrochée à son sapin de Noël.

Aucun commentaire: