dimanche 4 novembre 2007

Toile maison.

Presque l’hiver avec sa nouvelle heure. La nuit tombe plus tôt alors à 18H00 c’est cinoche pour toute la famille. Ma « dernière séance » à moi. Programmation choisie pour faire découvrir aux enfants le cinéma, les cinémas. Comédie, drame, suspense, western, aventure, films des années quarante ou films d’aujourd’hui, j’essaie de leur faire comprendre et partager mes coups de cœur en variant les plaisirs. Le cinéma c’est un peu comme la cuisine, il faut goûter à tout.
Aujourd’hui c’est « L’Arnaque » de George Roy Hill avec Robert Redford et Paul Newman. L’hiver dernier je leur avais fait découvrir « Certains l’aiment chaud » de Billy Wilder, « Chantons sous la pluie » de Stanley Donen, « Big Fish » de Tim Burton, « Itinéraire d’un enfant gâté » de Claude Lelouch, « Le Corniaud » de Gérard Oury, « The Blues Brothers » de John Landis, « Stand by me » de Rob Reiner ou encore « Little miss sunshine » de Jonathan Dayton et Valerie Faris.
On éteint les lumières.
Nous sommes tous les quatre serrés dans le canapé.
Scott Joplin sort son piano et le ragtime de Paul et Robert peut commencer.





Il y a 10 ans
Mardi, 4 novembre 1997.
L’œuf de la colombe.

Il y a deux ans
Benyamin a tué une colombe
Il y a deux ans
Benyamin n’a pourtant pas tenu l’arme du crime
Il y a deux ans
Benyamin n’a rien dit
Quand des voix fielleuses
Demandaient la mort de la colombe
Il y a deux ans
La colombe a pondu un œuf
Un seul
Son dernier
Et depuis deux ans
Benyamin cherche l’œuf pour en faire une omelette
Personne ne lui tape vraiment sur les doigts
Alors l’enfant pas sage
Continue de piller
Ce jardin des oliviers
Pour l’instant l’enfant pas sage
N’a pas trouvé
L’œuf de la paix
Mais le nid frissonne.





Samedi, 3 novembre 2007.
Deuxième vie.

Marcher sur les pas des soldats qui foulèrent les plages et le bocage normand en 1944. Tenter de rattraper l’ombre de cette petite fille qui courait dans les pas de son frère et de ses parents sur ces mêmes lieux il y a trente-cinq ans ou presque.
Passer près des vestiges de la plage d’Arromanches, se recueillir dans ce cimetière américain planté de croix et d’étoiles blanches. Fouler Omaha Beach, y écrire « Thanks » sur le sable bientôt recouvert par la marée montante. Descendre dans les trous d’obus de la Pointe du Hoc. Puis déambuler à La Cambe dans le cimetière allemand planté de croix en pierres de lave. Baisser les yeux sur quelques unes des 21 222 stèles et réaliser que sous nos pieds reposent en majorité des enfants de moins de vingt ans.
De Rhénanie ou d’Ohio, de Basse-Saxe ou de Pennsylvanie, de Brandebourg ou de Californie le sang avait la même couleur. Celle de l’horreur.
A regarder ma fille cheveux aux vents sur les chemins de la mémoire, j’ai pour ainsi dire rattrapé la petite fille de mes souvenirs.



Il y a 10 ans
Lundi, 3 novembre 1997.
Couvre-feu sur la marmite.

Je vous parlais hier de ce troublant sentiment, profondément français (puisque la France est paraît-il profonde) qu’est la peur de manquer. Cette volonté de remplir, frigo, caves, étagères et autres garde-manger avec dix fois trop de bouffe est dans nos gènes. Le français préfère savoir ce qu’il a, pour mieux jeter ce qui reste, plutôt que de gérer son stock en flux tendu comme c’est la mode dans toutes les industries. Thésauriser la nourriture comme on mettait cent balles sur un livret A doit être une démangeaison nationale.
Il fallait voir la tête effarée de ce directeur de supermarché de la région de Marseille devant le rayon des huiles d’olive pillé par quelques estomacs angoissés. Je sais que sur cette côte, on ne lésine pas sur cet ingrédient pour cuisiner, mais d’après l’état du rayon, les habitants vont devoir, jusqu’à la prochaine grève dans un an, « se fader » chaque jour des sardines rissolées et de la ratatouille.
Que feront-ils demain si un mistral mauvais leur amène une guerre du golfe ... du Lyon?
Seraient-ils capables, peuchère, d’arracher les oliviers pour les planquer dans leurs garde-manger?

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