jeudi 3 mai 2007

Match.

Plus de deux heures. C’est ce que j’avais prévu hier. Mais ce que je n’avais pas prévu c’est la piètre qualité de la rencontre, du duel ou du combat.
Peu importe la métaphore sportive, j’ai trouvé Ségolène Royal puncheuse et Nicolas Sarkozy bon encaisseur. Mais sur le ring, pas les deux ténors attendus, pas les deux champions, pas les deux présidentiables. Pour être gentille je dirais que j’ai vu un match entre deux « premier ministres ». Pour être méchante, ce match a tout bonnement opposé un ancien maire d’une ville de 60 000 habitants à la présidente d’une région de 1 700 000 âmes.
Pour être encore plus méchante, face à face, j’ai vu un épicier et une épicière.
Un épicier vouté sur son étal, hésitant à regarder sa rivale et se tournant sans cesse vers les deux marionnettes que furent PPDA et Arlette Chabot pendant cette soirée. Un épicier avec son calepin plein de notes, sa liste de course et de chiffres, ses promesses plus électoralistes les unes que les autres. Qui les petites retraites, qui les héritiers, qui les fortunés ...
Et puis, de l’autre côté de la rue, sur un trottoir un peu plus ensoleillé, la nouvelle commerçante. Mais dans sa boutique, pas de nouveau produit, des prix alignés (le travail, les 35 heures), même si sur certains rares articles, l’innovation était là (l’éducation, la 6ème république). Mais dans tout le bazar des étagères il fallait pouvoir trouver.
Où étaient les grands desseins et les grands destins ? Où étaient les grandes batailles politiques, les concepts forts, les grandes causes ? La défense de la laïcité, la tolérance, le respect, la place de la France dans l’Europe et dans le monde, l’écologie... où étaient ces indispensables points de repères qui dessinent un chef d’état ? Nulle part, comme nulle part ailleurs dans la campagne. Faut-il s’en étonner, comme je le disais hier, avec une formule de duel télévisé unique et indivisible.
Alors pour finir, faut-il un vainqueur au débat ?
Faut-il désigner celle ou celui qui d’une courte tête ou « aux points » comme disent les commentateurs de boxe, a quitté le ring avec les lauriers ?
Par penchant, et pour son crochet du gauche porté à la pommette de son rival, là où perlait presque une larme de circonstance pour les handicapés à l’école, je déclare Ségolène gagnante.
Mais dieu que j’aurais préféré voir un autre match, un combat duquel sortent grandis les adversaires parce qu’ils ont mis leurs cœurs et leurs tripes sur le carré de lumière. Et hier la lumière était bien pâle.



PS/ Lisez ce qui suit. Ecrit il y a 10 ans et beaucoup plus drôle que ce que je viens de rédiger.




Il y a 10 ans
Samedi, 3 mai 1997.
Euro-visions.

Imaginez une campagne électorale qui dure trois heures montre en main. Avec l’ouverture, l’exposé des programmes, les campagnes de pub, le vote des électeurs et le résultat final en direct à la télé à une heure de grande écoute. Ca aurait une de ces gueules non? Bâclé en deux temps trois mouvements, on pourrait profiter de tous ces week-ends et ponts suspendus et aller tranquillement taquiner le goujon en sirotant une bonne bouteille de Muscadet qui fraichit doucement dans la rivière.
J’ai allumé mon poste de télé vers 21 heures et je me suis frotté les yeux plusieurs fois. Mon vœu était exaucé. Ils étaient tous là. Ténors de la politique, barytons des circonscriptions et sopranos des Conseils Généraux.
L’Europe méritait bien un concours. Thème favori de tous les candidats et décliné sur tous les tons, Maastricht, valait bien quelques chansons.
Que l’on soit pour, contre ou eurosceptiques la compétition promettait d’être chaude.
Tous les candidats sont passés les uns après les autres dans leurs costards de scène ridicules ou leurs robes de soirée comme on n’en fait plus. Ils ont tous chanté leurs convictions sur des airs de musique que les ascenseurs jalousent aux aéroports. Il ne manquait même pas les clips de pub ringards avec des interviews contradictoires bidon.
Dans les gradins de la salle de concert, les militants étaient sagement assis remuant quelquefois le drapeau de leurs camps respectifs. C’était l’idéal, c’était la mélodie politique du bonheur.
Les militants ont voté, les électeurs ont pianoté sur leur minitel ... et le gagnant est, and the winner is ...
Et là, ma main a dérapé sur la télécommande, ça n’a duré qu’une seconde mais je n’ai jamais pu retrouver cette chaîne et ce programme. C’était sans doute une télé-vision. A la place j’ai vu s’afficher un tableau rempli de noms de pays et de chiffres. Une voix monocorde annonçait en deux langues: « Bosnia-Herzegovia three points, Bosnie-Herzegovine trois points, Slovenia four points, Slovénie quatre points, Croatia five points, Croatie cinq points... ». Ce n’était pas Milozevic le juge-arbitre, je vous rassure tout de suite.
Cette belle idée de campagne électorale de trois heures finissait en eau de boudin. A moins que les analystes politiques si brillants de nos télés, de nos gazettes et de nos radios puissent trouver une signification particulière à la candidature française pour ce concours de chansonnettes niaises et continentales.
La représentante de notre beau pays s’appelait Fanny.

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